26 KiB
- StratĂ©gie de mitigation de lâaccident de fusion du cĆur sur lâEPR.
- I/ PhĂ©nomĂ©nologie dâun accident grave sur EPR
- I.1/ DĂ©gradation du cĆur
- I.2/ Lâinteraction corium bĂ©ton
- I.3/ Interaction corium zircone
- I.4/ Corium dans la chambre dâĂ©talement
- II/ ModĂ©lisation dâun accident grave
- Conclusion
- Annexe
StratĂ©gie de mitigation de lâaccident de fusion du cĆur sur lâEPR.
Jâimagine si vous avez cliquĂ© sur cet article, vous savez que lâEPR de Flamanville vient de âdivergerâ ( nota: article Ă©crit en septembre 2024 ). Autrement dit la rĂ©action en chaĂźne a Ă©tĂ©, et pour la premiĂšre fois dans son cĆur, auto-entretenue, permettant un Ă©quilibre neutronique.
Ce fameux EPR prĂ©sente de grandes avancĂ©es en sĂ»retĂ© nuclĂ©aire, toujours afin de limiter les rejets dans lâenvironnement en cas dâaccident. Alors aujourdâhui, lâaccident grave! On va parler de corium , de rĂ©cupĂ©rateur Ă corium ( core catcher ), de stratĂ©gie de mitigation et de codes de calcul. Ce que je souhaite faire avec cet article câest vous expliquer en premier lieu la physique dâune fusion du cĆur et ensuite la modĂ©lisation qui y est associĂ©e.
Mais alors, comment les ingĂ©nieurs en sĂ»retĂ© nuclĂ©aire ont-ils rĂ©ussi Ă gĂ©rer une substance bien pire que la lave ? Le corium, un magma Ă faire pĂąlir HadĂšs, autochauffant, ultra corrosif, Ă trĂšs haute tempĂ©rature, ne laissant aucune chance Ă la plupart des matĂ©riaux quâil rencontre. Possiblement la pire substance artificielle jamais fabriquĂ©e sur cette Terre (avec les agents neurotoxiques)âŠ
La lave est une substance similaire au corium sur beaucoup dâaspects, mais le corium est⊠encore pire.
Les rĂ©acteurs de gĂ©nĂ©ration III, comme lâEPR (ou lâEPR2), prennent en compte la gestion des accidents graves dĂšs la conception. Je vais donc vous expliquer comment la stratĂ©gie de mitigation des accidents graves est conçue sur le rĂ©acteur EPR (notez que ce sera vraisemblablement la mĂȘme sur EPR2, qui est une optimisation de lâEPR).
Lâaccident grave de rĂ©fĂ©rence sur un rĂ©acteur Ă eau, est la fusion du cĆur. Un Ă©vĂšnement (une brĂšche par exemple), a pour consĂ©quence directe un combustible qui nâest plus sous eau, donc plus refroidit, et il commence Ă chauffer, jusquâĂ fondre. Câest ce qui sâest passĂ© Ă Fukushima et Three Miles Island (fusion partielle), occasionnant des rejets dans lâenvironnement.
EPR de Flamanville. Crédit: Framatome
Avant de commencer, un rappel sur les trois barriĂšres de confinement. Dans la suite de lâarticle, la 1Ăšre et la 2Ăšme barriĂšre vont cĂ©der, et lâobjectif sera de prĂ©server la troisiĂšme, afin dâĂ©viter des rejets Ă lâextĂ©rieur.
https://miro.medium.com/v2/resize:fit:692/0*hJdTyHIMSxkzowlX
Crédit: EDF
I/ PhĂ©nomĂ©nologie dâun accident grave sur EPR
I.1/ DĂ©gradation du cĆur
Le soleil se lĂšve sur le site de Flamanville. Le vent souffle sur les plaines de la Bretag .. euh de la Normandie. Le rĂ©acteur EPR de Flamanville est Ă pleine puissance (1600MWe, ça envoie). Une bien belle journĂ©e. Et lĂ , une Ă©norme brĂšche sur le circuit primaire! On appelle ça un APRP ( Accident de Perte du RĂ©frigĂ©rant Primaire). Rien ne marche, ni refroidissement, ni Ă©lectricitĂ©, le primaire se vide inexorablement. Il y a de moins en moins dâeau autour des crayons combustible, cf. (2) du schĂ©ma ci-dessous. Les gaines du combustible commencent Ă sâoxyder. Câest trĂšs exothermique, donc le combustible chauffe fort (oxydation zirconium + hafnium principalement), on produit de la vapeur dâeau et du dihydrogĂšne. Le combustible et sa gaine fondent, alors que le niveau dâeau continue Ă baisser. Cette mixture infernale, au-delĂ des 2400°C, contenant le combustible, la gaine, lâacier des structures et autres joyeusetĂ©s, est appelĂ©e un corium .
Conditions initiales [1], cĆur dĂ©noyĂ© partiellement [2], cĆur dĂ©noyĂ© fusion en cours [3]. CrĂ©dit: IRSN
Bon, je vais aller vite. Maintenant le cĆur a fondu intĂ©gralement et il est dans le fond de cuve. Commence alors une sĂ©rie de phĂ©nomĂšnes dans le corium qui vont venir attaquer lâacier de la cuve (pour les curieux, la cuve est en acier 16MND5, un acier de compĂ©tition, merci le RCC-M). La brĂšche a mis de lâeau dans lâenceinte et on a produit du dihydrogĂšne pendant lâaccident.
Maintenant on va se donner trois contraintes supplĂ©mentaires, pour prĂ©server lâenceinte de confinement, et garder toutes les saletĂ©s Ă lâintĂ©rieur, parce quâon ne veut pas de rejets atmosphĂ©riques !
- On veut contrĂŽler lâĂ©chauffement dans lâenceinte.
Pour ne pas chauffer lâenceinte il y a deux choses. DĂ©jĂ , on ne veut pas que la cuve perce Ă haute pression, sinon le corium est Ă©talĂ© façon spray (sans rire), et vient attaquer lâenceinte. Et pour Ă©viter une percĂ©e de la cuve Ă haute pression (supĂ©rieure Ă 15 bar), il faut dĂ©pressuriser la cuve, avec une soupape ultime (comme sur votre cocotte minute). Vous constaterez que la vanne dĂ©diĂ©e Ă la gestion en AG est redondĂ©e, ce qui permet de diminuer la probabilitĂ© de dĂ©faillance de cette ligne de dĂ©pressurisation.
Crédit: IRSN
Ensuite il faut contrĂŽler la puissance thermique dans lâenceinte, câest le systĂšme EVU (Evacuation Ultime de la puissance dans lâenceinte). Cela consiste simplement Ă asperger de lâeau froide Ă lâintĂ©rieur de lâenceinte. Une douche pour rĂ©acteur nuclĂ©aire. Cela sert aussi Ă faire retomber les radionuclĂ©ides volatils dans lâenceinte.
Crédit: EDF
2\. On ne veut pas dâexplosion hydrogĂšne (type Fukushima) dans lâenceinte.
Dans lâenceinte il y a de lâair, de la vapeur dâeau, et maintenant de lâH2. Pour Ă©viter lâexplosion hydrogĂšne, il faut consommer lâH2, afin de sortir des zones colorĂ©es du diagramme de Saphiro (ci-dessous). Câest le principe des recombineurs autocatalytiques passifs Ă hydrogĂšne, qui comme leur nom lâindique, nâont pas besoin dâĂ©lectricitĂ© pour fonctionner.
Recombineur autocatalytique passif Ă dihydrogĂšne.
Diagramme de Saphiro
3\. On ne veut pas dâexplosion de vapeur dans lâenceinte.
Lâeau liquide dans lâenceinte ne doit pas toucher le corium, sous peine dâune explosion de vapeur. Pour ça, câest simple il faut sĂ©parer les deux.
SĂ©paration de lâeau et du core catcher.
Maintenant quâon a nos systĂšmes pour protĂ©ger lâenceinte, il est temps de pĂ©ter la cuve. Je ne vais pas dĂ©tailler les phĂ©nomĂšnes favorables qui permettent de maintenir la tenue mĂ©canique de la cuve. On postule que sous lâeffet des contraintes mĂ©caniques (dĂ©formation) et des flux thermiques du corium (fluage), la cuve finit par se briser. Je dis « on postule » car ce nâest pas systĂ©matiquement lâapproche retenue.
Il y a plusieurs configurations possibles du corium en fond de cuve. Ce quâon observe est une stratification du corium entre la couche dâoxyde et celle de mĂ©tal lĂ©ger. Lâintuition amĂšne Ă penser que la haute tempĂ©rature du corium vient ablater la cuve. Cela est vrai au-delĂ de 2700°C, mais en dessous une croĂ»te se forme en paroi, limitant les Ă©changes thermiques. En revanche, la couche de mĂ©tal lĂ©ger trĂšs chaude reçoit de lâĂ©nergie de la couche dâoxyde, et transmet lâĂ©nergie Ă la face interne de la cuve, sur une faible surface relative â focusing effectâ . Elle est, dâaprĂšs les expĂ©riences, la couche responsable de la rupture de la cuve.
Je prĂ©cise que câest lâapproche pĂ©nalisante retenue, la façon dont cela arrive nous intĂ©resse assez peu ici car on part du principe que la cuve va rompre. LâĂ©tude des corium comporte son lot dâincertitudes et les expĂ©riences reprĂ©sentatives sont complexes Ă rĂ©aliser.
Stratification du corium en fond de cuve possible.
Dâautres pays estiment quâils peuvent maintenir le corium dans la cuve. On ne distingue finalement que deux approches :
- Rétention du corium en cuve ( In Vessel Retention, IVR) associé à des moyens de réfrigération externe de la cuve (type External Reactor Vessel Cooling , ERVC). Retenue sur AP1000 et APR1400.
- Rétention du corium hors cuve. Retenue sur EPR/EPR2 , et les VVER-1200 récents.
I.2/ Lâinteraction corium bĂ©ton
On a désormais notre corium chaud qui tombe dans le fond du bùtiment réacteur. On arrive bientÎt au core catcher , patience !
Une fois tombĂ©, il arrive sur un bĂ©ton dit « sacrificiel ». Ce bĂ©ton a vocation Ă ĂȘtre abaltĂ© par le corium pour modifier les propriĂ©tĂ©s physico-chimiques du corium. Durant cette phase, le corium Ă©rode ce bĂ©ton sur environ 50 cm dâĂ©paisseur avant de couler dans le canal de dĂ©charge qui relie le puits de cuve à « la chambre dâĂ©talement ». Les mouvements convectifs au sein du corium mĂ©langent le bĂ©ton et le corium, le rendant plus fluide, plus homogĂšne et moins visqueux afin de faciliter son Ă©coulement par la suite. Si plusieurs coulĂ©es successives de corium surviennent, elles convergent toutes dans ce bĂ©ton de maniĂšre Ă obtenir un corium homogĂšne et un seul Ă©coulement vers la chambre dâĂ©talement. On appelle ça lâinteration corium bĂ©ton (ICB).
Crédit: IRSN
ICB.
Une fois que le corium a ablatĂ© sur toute une Ă©paisseur, il faut maintenir la structure de lâenceinte en Ă©tat, et on installe donc sous cette couche de bĂ©ton sacrificiel des matĂ©riaux rĂ©fractaires (qui rĂ©sistent Ă des trĂšs hautes tempĂ©ratures avec une faible dĂ©formation relative). Cette couche est appelĂ©e la zircone (ZETTRAL-95GR), et mesure de 10 Ă 14 cm dâĂ©paisseur.
Une fois que le bĂ©ton est ablatĂ© complĂštement dans le sens vertical, le corium arrive sur un bouchon de mĂ©tal, câest un composant dont le rĂŽle est celui dâun fusible. Il est la derniĂšre Ă©tape avant le canal de dĂ©charge. Ce fusible est conçu pour se rompre relativement rapidement au contact du corium en assurant une section de passage suffisamment large pour permettre une coulĂ©e rapide de la totalitĂ© du corium vers la chambre dâĂ©talement.
Schéma complet du core catcher. Crédit: IRSN.
La composition chimique du bĂ©ton est trĂšs importante car lâablation va gĂ©nĂ©rer des gaz incondensables qui peuvent faire monter la pression dans lâenceinte. Câest le cas du CO2 issu de la calcination du calcaire, par exemple. Ainsi sur EPR, la procĂ©dure U5 a Ă©tĂ© abandonnĂ©e grĂące Ă une fiabilisation de lâICB. Sur le parc, cette procĂ©dure permet de dĂ©pressuriser lâenceinte en expulsant Ă lâatmosphĂšre une partie des gaz prĂ©alablement nettoyĂ©s dans un filtre sable.
Note: En principe, les chargements mĂ©caniques de lâenceinte sont limitĂ©s par conception. Mais il est possible quâil y ait des rejets trĂšs minimes malgrĂ© tout sur EPR.
I.3/ Interaction corium zircone
Cette partie sera assez simple, puisque lâobjectif est de faire interagir le moins longtemps possible le corium avec la zircone. La zircone est ce quâon appelle un matĂ©riau rĂ©fractaire Ă la chaleur . Câest-Ă -dire quâil ne fond pas, et se dĂ©forme relativement peu, mĂȘme Ă des hautes tempĂ©ratures (infĂ©rieures Ă environ 1700°C, tout dĂ©pend du matĂ©riau).
Une fois que le bouchon fusible a rompu, il faut emmener le corium jusque dans la chambre dâĂ©talement le plus vite possible . A noter, la zircone a une forte inertie thermique, ce qui nous arrange pour ne pas dĂ©grader outre mesure le bĂątiment rĂ©acteur par contact prolongĂ©, mĂȘme si ce nâest pas censĂ© arriver (toujours prendre des marges). Ainsi, une conduite entiĂšrement tapissĂ© en briques de zircone remplit ce rĂŽle dâĂ©vacuation rapide du corium. Câest un tuyau dâĂ©vacuation pour corium.
I.4/ Corium dans la chambre dâĂ©talement
Cette étape, la derniÚre, consiste à neutraliser le corium une bonne fois pour toute.
- une gĂ©omĂ©trie empĂȘchant le retour en criticitĂ© (dĂ©jĂ rendu complexe par la dilution dans le bĂ©ton sacrificiel),
- un systĂšme pour refroidir le corium par-dessous et par-dessus.
Le corium arrive dans la chambre dâĂ©talement qui a une surface dâenviron 170 m2. Le corium chaud, en coulant dans la conduite dâĂ©vacuation va couper un fil, ce qui dĂ©clenche lâouverture dâune trappe ouvrant une arrivĂ©e dâeau gravitaire dâeau provenant du rĂ©servoir IRWST ( In containment Refueling Water System Tank ). Ce systĂšme est intĂ©gralement passif, ni Ă©lectricitĂ©, ni intervention humaine nĂ©cessaire. Cette eau commence par remplir les canaux horizontaux situĂ©s sous la chambre dâĂ©talement. Les Ă©lĂ©ments du plancher contiennent des canaux de refroidissement horizontaux de sections rectangulaires. LâintĂ©rieur de la chambre dâĂ©talement est recouvert dâune couche de bĂ©ton sacrificiel qui a la mĂȘme fonction que le bĂ©ton du puits de cuve, mais cette fois-ci il sert aussi Ă protĂ©ger temporairement la couche protectrice.
Chambre dâĂ©talement. CrĂ©dit: IRSN.
Le corium va sâĂ©taler dans cette chambre. Câest de la physique complexe (que je ne vais pas dĂ©tailler ici). Cet Ă©talement est pilotĂ© par la compĂ©tition entre les forces hydrodynamiques et les changements de viscositĂ© du corium (rhĂ©ologie) dus Ă son refroidissement. La gĂ©omĂ©trie de cette chambre dâĂ©talement est conçue pour optimiser lâĂ©talement, et ainsi limiter lâĂ©paisseur du corium, le rendant sous-critique et le prĂ©parant au renoyage en surface par-dessus.
Lâeau, froide donc, arrivant gravitairement de lâIRWST, vient noyer le corium trĂšs chaud, donc il y a crĂ©ation de vapeur (beaucoup de vapeur) sur les premiers instants du noyage. Cette vapeur est recondensĂ©e par le systĂšme EVU (la Force dâAction Rapide NuclĂ©aire -FARN- est capable dâalimenter ce circuit depuis quâelle est prĂ©venue de lâaccident grave).
Une fois que la croĂ»te se forme en surface du corium, il y a une vaporisation trĂšs limitĂ©e, et une fois le niveau dâeau atteint suffisant, le corium est dĂ©finitivement stabilisĂ©.
SchĂ©ma dâun angle de la chambre dâĂ©talement du corium. CrĂ©dit: IRSN.
Pour conclure cette partie, une vidĂ©o de prĂ©sentation du core catcher de lâEPR de Flamanville.
Présentation de la construction du core catcher par EDF.
https://miro.medium.com/v2/resize:fit:700/0*-BaP_aooe3kpbSY7
Chambre dâĂ©talement terminĂ©e sur lâEPR FA3. CrĂ©dit: EDF-EPR sur X.
II/ ModĂ©lisation dâun accident grave
On ne peut pas faire une expĂ©rience avec les mĂȘmes conditions quâun rĂ©acteur nuclĂ©aire, pour des raisons Ă©conomiques, techniques et rĂ©glementaires. Alors on simule ça dans des codes de calcul. Un code de calcul ce sont des choix de modĂ©lisations, des incertitudes et donc ça se valide , sinon ça ne vaut pas grand-chose.
Et ça se valide avec des expĂ©riences ! Les ingĂ©nieurs ne sont pas toujours derriĂšre un ordinateur, lâapproche empirique est indispensable ! Mais tu viens de dire quâon ne faisait pas dâexpĂ©riences rĂ©alistes ? Et oui, car on Ă©tudie chaque phase dâun accident grave sĂ©parĂ©ment. Voyez ça comme des images quâon imbrique entre elles. A la fin, lâensemble des images forment un film, qui modĂ©lise un accident grave intĂ©gralement, ce qui permet in fine de contourner lâobstacle que reprĂ©sente lâimpossibilitĂ© dâune expĂ©rience rĂ©aliste. Et comment on rĂ©alise ce film ? Avec un code de calcul intĂ©gral !
PrĂ©sentation dâASTEC
ASTEC, pour Accident Source Term Evaluation Code , est dĂ©veloppĂ© par lâ Institut de Radioprotection de de SĂ»retĂ© NuclĂ©aire, lâIRSN. Câest un code dit « intĂ©gral» câest-Ă -dire quâil simule toutes les Ă©tapes dâun accident grave. Cela comprend:
- La thermohydraulique du circuit : module CESAR, proche du code de rĂ©fĂ©rence en thermohydraulique CATHARE, dĂ©veloppĂ© par le Comissarait Ă lâEnergie Atomique et aux Energies Alternatives (CEA) ;
- La dĂ©gradation du cĆur : module ICARE ;
- Lâinteraction corium bĂ©ton : module MEDICIS ;
- La chimie, la physique, le transport des gaz, aĂ©rosols et des produits de fission dans lâenceinte : modules SOPHAEROS, ISODOP, COVI ;
- Les systÚmes de sureté : module SYSINT ;
- La thermohydraulique de lâenceinte : module CPA ;
- Le comportement des produits de fission : module ELSA ;
- LâĂ©valuation des doses : module DOSE.
Les diffĂ©rents modules dâASTEC. CrĂ©dit: IRSN.
Vous trouverez plus dâinfos sur : https://www.irsn.fr/recherche/systeme-logiciels-astec. Voici Ă©galement une courte prĂ©sentation vidĂ©o du code ASTEC, qui est dĂ©sormais un code de rĂ©fĂ©rence en Europe sur les accidents graves des REP.
PrĂ©sentation vidĂ©o dâASTEC
Un code intégral doit répondre aux exigences suivantes :
\- Calculer de façon exhaustive les phĂ©nomĂšnes physiques intervenant lors dâun accident de fusion du cĆur, en maintenant un compromis temps de calcul/prĂ©cision ;
\- simuler le comportement des principaux systĂšmes de sĂ»retĂ© du rĂ©acteur, afin de se placer dans des conditions similaires Ă celles dâun rĂ©acteur en accidentel, et tester diffĂ©rents scĂ©narios de disponibilitĂ©s des systĂšmes ;
\- traiter complĂštement les couplages entre phĂ©nomĂšnes, par exemple le refroidissement du corium dans le puits de cuve, en cours dâinteraction corium-bĂ©ton, par rayonnement et par convection dans lâenceinte de confinement ;
\- ĂȘtre dĂ©coupĂ© en module indĂ©pendant, pour faciliter notamment les comparaisons avec des rĂ©sultats expĂ©rimentaux et ainsi valider les modules ;
\- Etre rapide malgrĂ© sa grande taille (de 400 000 Ă 500 000 instructions et 1 000 Ă 1 500 sous-programmes). Câest trĂšs important quâil puisse pouvoir calculer plus vite que le temps rĂ©el, afin de tester un grand nombre de scĂ©narios.
Fonctionnement dâASTEC
Pour expliquer (trĂšs) rapidement, le logiciel ASTEC a besoin de donnĂ©es dâentrĂ©e, câest-Ă -dire les gĂ©omĂ©tries, les matĂ©riaux et les conditions physico-chimiques initiales de lâensemble du rĂ©acteur. Ces donnĂ©es sont fournies par lâingĂ©nieur dâĂ©tude en accident grave.
A chaque pas de temps, ASTEC calcule lâĂ©volution des paramĂštres physiques et chimiques. Dans un code intĂ©gral, il y a une articulation de tous les modules, avec un ordre dâexĂ©cution. On peut activer ou dĂ©sactiver certains, selon le besoin, sachant que le nombre de modules impliquĂ©s augmente le temps de calcul !
Comment fonctionne ASTEC à chaque pas de temps du calcul. Crédit: IRSN.
In fine, c/e qui intĂ©resse lâingĂ©nieur en sĂ»retĂ© nuclĂ©aire, ce sont les post-traitements des variables suivies ! Ci-dessous, un exemple de visualisation du cĆur dâun REP-900MWe dâEDF. Ce que vous voyez est un post-traitement selon le temps des champs de tempĂ©rature. Ce quâil se passe dans cette sĂ©quence est une dĂ©gradation du cĆur, vous voyez le niveau dâeau baisser progressivement jusquâĂ ĂȘtre remplacĂ© par le corium en fond de cuve. Vous constaterez que sur la 3Ăšme image, la cuve a cassĂ© au niveau de la couche de mĂ©tal lĂ©ger, Ă cause du /focusing effect expliquĂ© en partie I !
Crédit: IRSN.
Validation dâASTEC
Comme expliquĂ© plus tĂŽt, un code est une tentative de reprĂ©sentation du rĂ©el, il est donc nĂ©cessaire de le valider par comparaison avec⊠et bien le rĂ©el. Notez quâon peut aussi valider un code en le comparant Ă des codes dĂ©jĂ validĂ©s. Par exemple le module thermohydraulique dâASTEC, CESAR, est validĂ© par comparaison avec le logiciel de rĂ©fĂ©rence CATHARE. Je ne vais pas mâattarder dessus.
Le principe dâune validation empirique câest de faire une expĂ©rience, de la modĂ©liser dans le code de calcul le plus fidĂšlement possible, et de comparer les rĂ©sultats issus des observations et des capteurs avec la simulation numĂ©rique. On constate souvent des Ă©carts, lâobjectif câest de les rĂ©duire le plus possible tout en Ă©tant capable de dire pourquoi il y a des Ă©carts et combien ils valent. ASTEC (en V2) est validĂ© par un panel dâexpĂ©riences assez immense, depuis 1990 et sans arrĂȘt depuis. Cette validation sâappuie sur plus de 160 essais dans le monde entier, en particulier sur les essais PhĂ©bus, cf. https://www.irsn.fr/savoir-comprendre/surete/programme-recherche-phebus-pf-0.
Exemple de comparaison.
Les essais Phébus constituent une grande base de validation des modules CESAR & ICARE (thermohydraulique et dynamique de dégradation) et SOPHAEROS (comportement des produits de fission).
Liste des essais Phébus.
Il y a eu plein dâautres validations et lâobjectif nâest pas de toutes les lister. Vous trouverez une liste des expĂ©riences menĂ©es sur ce lien: https://www.irsn.fr/recherche/systeme-logiciels-astec#validation
Autre code utilisé en accident grave
ASTEC ne modĂ©lise pas la phase finale dans la chambre dâĂ©talement de lâEPR. Pour cela, des programmes spĂ©cifiques ont Ă©tĂ© menĂ©s Ă lâinternational, avec des expĂ©riences passionnantes. Lâobjectif Ă©tant dâavoir une comprĂ©hension fine du phĂ©nomĂšne dâĂ©talement du corium, de son refroidissement, puis de son noyage. Les logiciels français sont respectivement THEMA (code CEA) qui calcule la cinĂ©tique de solidification du corium (en masse et en croĂ»tes) ainsi que lâĂ©rosion du substrat. Et CROCO (code IRSN) qui permet une modĂ©lisation dĂ©taillĂ©e de la convection dans lâĂ©coulement. Un grand nombre dâessais ont Ă©tĂ© menĂ©s, le plus impressionnant Ă©tant lâessai VULCANO, comme montrĂ© ci-dessous.
Crédit: IRSN.
Il est ressorti de lâensemble de ces programmes de R&D que lâĂ©talement Ă sec du corium de REP permet son refroidissement ultĂ©rieur car lâĂ©paisseur de corium atteinte est suffisamment faible. Ainsi, lâapproche retenue sur EPR est validĂ©e expĂ©rimentalement. Des incertitudes subsistent sur la capacitĂ© dâune nappe de corium Ă sâĂ©taler sous eau, câest pour cela que lâEPR fait le choix dâĂ©taler le corium Ă sec en sĂ©parant physiquement eau et corium.
Conclusion
VoilĂ comment on gĂšre un accident grave sur lâEPR. Jâai volontairement Ă©clipsĂ© beaucoup de sujets sur le comportent des produits de fissions dans lâenceinte, sur les diffĂ©rentes possibilitĂ©s de stratification du corium. Jâai aussi fait le choix de focaliser sur lâEPR alors quâil existe aussi dâautres stratĂ©gies sur les autres rĂ©acteurs du parc de gĂ©nĂ©ration II (Les CP, P4/Pâ4 et N4). Jâai Ă©galement restreint aux REP français, sans analyser les autres stratĂ©gies Ă©quivalentes sur VVER, AP1000, ou APR1400. Je nâai pas non plus parlĂ© des filiĂšres Ă eau lourde (CANDU), bouillantes (BWR, ABWR), rapides (SPX) ou encore des filiĂšres thermiques (HTR & VHTR) et Ă sels fondus (MSFR). Chaque technologie, prĂ©sente une stratĂ©gie adaptĂ©e. Tous les futurs rĂ©acteurs devront quoiquâil en soit prendre en compte les accidents graves en compte .
Je vous donne mes sources sur ce lien (attention il nâest valable que 7 jours). Tout est public et trouvable sur le site de lâASN et/ou de lâIRSN.
Annexe
[[https://medium.com/tag/nuclear?source=post_page-----f82c1d15ed58--------------------------------][
Nuclear
]]
[[https://medium.com/tag/accident?source=post_page-----f82c1d15ed58--------------------------------][
Accident
]]
[[https://medium.com/tag/epr?source=post_page-----f82c1d15ed58--------------------------------][
Epr
]]
[[https://medium.com/tag/astec?source=post_page-----f82c1d15ed58--------------------------------][
Astec
]]
[[https://medium.com/tag/fukushima?source=post_page-----f82c1d15ed58--------------------------------][
Fukushima
]]